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* CHEMIN SCABREUX

 "Le chemin est un peu scabreux

    quoiqu'il paraisse assez beau" 

                                        Voltaire 

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Publié par VERICUETOS

 

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                                                                     Par Daniela Covo

 

  David Preston Sombras


            « Assez ! Assez ! Tu m’as pourri la vie ! Avec ton air de crever d’un moment à l’autre… Mais crève d’une fois pour toutes, au lieu de faire crever les autres ! »

 

            La phrase, quoique hurlée, tomba claire, nette. Ils étaient tous les deux face à face, miroir l’un de l’autre. Les paroles de Pierre, Bertrand les reçut de plein fouet, sans un mot, sans un geste. Mais son corps frêle se tassa davantage, sa peau parut plus diaphane que d’ordinaire ; ses yeux s’agrandirent, sans sourciller ; une légère tension de la bouche, un frémissement imperceptible des narines furent la seule traduction de son émotion. Puis ses lèvres se figèrent dans un sourire.

 

            Pierre avait rougi violemment, tout son corps emporté par la rage qui l’habitait. Il était en sueur, les poings fermés ; une douleur intense, déchirante, ancienne le traversait. Ce frère, son frère, son jumeau… Aujourd’hui, il le haïssait. Oui, pour la première fois, il pouvait se l’avouer. Il le haïssait de toutes les forces mêmes de son amour pour lui.

 

            Quand la maladie de Bertrand avait été décelée, les jumeaux n’avaient que quelques jours de vie. Première intervention chirurgicale pour Bertrand, début d’un long calvaire pour les parents, climat permanent d’angoisse pour tout le monde. Angoisse subtile, non dite, toile de fond inévitable de la vie familiale. Il fallait « vivre normalement », disait la mère. Le père, lui, se taisait ; rarement présent, il allait sans doute chercher la normalité ailleurs.

 

            Pour Bertrand, la normalité ç’avait toujours été des visites régulières chez le cardiologue, des examens médicaux, des hospitalisations, des ménagements de tous ordres, des freins mis à ses velléités de courir, de jouer, de se dépenser… Ce que sa mère n’interdisait pas, ses malaises, son essoufflement, sa lassitude le faisaient à sa place. A l’école cela ne marchait pas trop mal ; ses insuffisances étaient explicables et lui valaient l’indulgence de ses maîtres.

 

            Les parents avaient toujours voulu préserver Pierre des difficultés rencontrées par son frère. Nul obstacle de santé sur son chemin d’enfant. Il ne fréquentait pas la même classe que Bertrand, il pouvait donc s’épanouir à sa guise. Cela n’avait pas été facile pourtant. Son manque d’assurance, sa crainte de l’échec, ses impossibilités indisposaient les adultes, dont les plus bienveillants se demandaient si, finalement, Pierre ne souffrait pas également de quelque insuffisance congénitale comme son frère…

 

            Il n’en était rien, et à la maison, on se chargeait bien de le lui faire sentir. Lui, « il avait de la chance ». On s’attendait à ce qu’il en profite. Faute d’en profiter, il la mettait au profit de son frère malchanceux, en l’entourant, en l’assistant, en l’amusant lorsque Bertrand était immobilisé à l’hôpital, ou tenu sagement au repos à la maison. L’amour, le dévouement manifestés pour Bertrand faisaient tout du moins l’admiration de l’entourage. Pierre, qui compensait ainsi ses propres insuffisances, en était secrètement fier, tout en recevant les compliments avec modestie. Quant à Bertrand, il ne manquait pas de reconnaissance. Il est vrai que, petit, il s’était montré tyrannique, manipulant tout le monde –et surtout son frère- pour obtenir satisfaction à ses désirs. Les parents avaient finalement rectifié le tir, après consultation d’une psychologue, et Bertrand avait été moins « gâté ». Il finit par ne plus autant exploiter la bienveillance de son frère et osa même se mesurer à lui.

 

            En grandissant, Pierre et Bertrand purent partager davantage comme des frères certaines activités. Ils se mirent à sortir ensemble, fréquentèrent les mêmes lieux avec, néanmoins, pour Bertrand, le rappel douloureux de son affection. Il se fatiguait vite et devait rentrer plus tôt. Pierre, le plus souvent, le raccompagnait et trouvait que, finalement, cela l’arrangeait aussi : il se disait qu’il n’en était que plus en forme le lendemain. Car, pour Pierre, les difficultés persistaient, il avait du mal à réussir sa vie.

 

            Et puis un jour, il y eut Manon. Manon entra dans la vie de Pierre comme on passe une frontière et que l’on change de pays. Elle avait deux ans de plus que lui, était en troisième année de Langues Modernes, et lui en première d’Histoire. Tout de suite elle crut en lui. Manon occupa dans la vie de Pierre le temps que jusque là il avait consacré à Bertrand. Elle était tout pour lui. Elle l’accompagnait, le soutenait, l’encourageait. Il trouva grâce à elle l’assurance et la confiance qu’il n’avait jamais eues. Bref, elle fit de lui un homme, du moins c’est ainsi qu’il le ressentait.

 

            A la maison, cette idylle éveillait une désapprobation sourde chez les parents. Ils s’inquiétaient de cette soudaine mise à l’écart de Bertrand. Bertrand, lui, faisait bonne figure, et manifestait une attitude débonnaire envers cette belle-sœur apparue tout à coup dans sa vie. Une certaine tristesse, une langueur accrue, transparaissaient tout de même chez lui. Pierre, trop heureux ou trop amoureux, refusa de se laisser envahir par des regrets. Il multiplia les signes d’affection envers son frère, lui proposa à maintes reprises des sorties à trois, mais cessa de s’effacer devant Bertrand, comme il l’avait toujours fait jusque là. Il vit avec satisfaction Manon manifester de l’amitié pour Bertrand, sans affectation ni compassion excessive.

 

            Très vite, néanmoins, Bertrand déclina les propositions de sorties, avançant un prétexte quelconque pour justifier son refus. Pierre ne l’interrogea pas là-dessus pas plus qu’il ne s’interrogea lui-même. Il estimait qu’il était temps de vivre sa vie indépendamment de son frère, comme –pensait-il- il était temps pour Bertrand d’en faire de même. Tous deux abordaient l’âge adulte et leurs chemins fatalement divergeraient. Manon en avait été l’instigatrice involontaire et Pierre ne l’en aimait que davantage, sentant bien que sans elle il n’aurait jamais pu s’engager dans cette nouvelle voie.

 

            Les mois s’écoulèrent sans que rien ne vienne entacher le bonheur de Pierre. Il sentait Bertrand de plus en plus fuyant, mais il s’autorisait maintenant à ne pas y prendre garde. Manon lui suffisait. Pierre était heureux.

 

            C’est donc le cœur léger que Pierre rentra un jour chez lui beaucoup plus tôt que d’habitude, ses cours de l’après-midi ayant été exceptionnellement suspendus. En sortant de l’ascenseur, le son du saxophone de Stan Getz parvint à ses oreilles à travers la porte de l’appartement. C’était son instrument préféré, ainsi que celui de Bertrand. Il sut ainsi que son frère était là et se réjouit de cette occasion de se retrouver seuls tous les deux. Car il était vrai qu’une telle occasion était de plus en plus rare ; il ne prêtait guère beaucoup d’attention à son jumeau depuis un temps, en dépit de ses problèmes de santé toujours présents.

 

            Le sourire aux lèvres, Pierre ouvrit la porte de chez lui. Sitôt entré, il se figea, le souffle coupé. Puis un cri guttural, une sorte de rugissement de bête blessée s’échappa de sa gorge. A demi couchés sur le canapé du salon, Bertrand et Manon, étroitement enlacés, échangeaient un baiser passionné… Au son du cri de Pierre, les deux jeunes gens bondirent. Le teint de Manon tourna à l’écarlate, celui de Bertrand acquit une pâleur presque bleutée. « Fous le camp ! Fous le camp ! » hurla Pierre à Manon, les yeux exorbités. La jeune fille saisit son sac au vol, tout en rajustant ses vêtements, et s’enfuit. Bertrand se tourna lentement et fit face à son frère. 

           

            « Assez ! Assez ! » fit Pierre. « Tu m’as pourri la vie ! Avec ton air de crever d’un moment à l’autre… Mais crève d’une fois pour toutes, au lieu de faire crever les autres ! »

 

            Les deux frères restèrent ainsi un moment face à face. Puis Bertrand parla : « Ecoute Pierre » prononça-t-il lentement. « C’est comme ça. Pas la peine de t’énerver. Vois les choses comme elles sont. Manon est à nous, à moi comme à toi. Comme tout ce que nous avons eu, tout ce que nous avons fait, toujours, ensemble. Manon, c’est pareil. Nous partageons tout, toi et moi. Elle est d’accord. On voulait te le dire, on ne savait pas comment » Et après un silence : « Toi et moi sommes liés, à jamais.. »

 

            Pierre, atterré, blême, sa fureur retombée, parut fondre, se liquéfier. Il se laissa tomber sur une chaise, plongea la tête dans ses mains et se mit à sangloter.  

 

                                                                                      En Común

                                                                                   Por Daniela Covo


            ¡Basta! ¡Basta! ¡Me jodiste la vida! Con esa cara de moribundo… ¡Muérete pues de una vez por todas, en vez de reventar a los demás!” 

            La frase, vociferada, estalló, clara, nítida. Estaban los dos frente a frente, espejo el uno del otro. Bertrand recibió en plena cara el grito de Pierre, sin una palabra, sin un gesto. Pero su cuerpo frágil pareció encogerse, su piel tornarse más diáfana que de costumbre; sus ojos se agrandaron, sin pestañear; una ligera tensión de la boca, un estremecimiento imperceptible de sus narices fueron la única manifestación de su emoción. Sus labios se inmovilizaron luego en una sonrisa.

            Pedro había enrojecido violentamente, todo su cuerpo arrebatado por la ira que lo habitaba. Estaba bañado en sudor, apretaba los puños; un dolor intenso, desgarrador, muy antiguo lo invadía. Ese hermano, su hermano, su mellizo… Hoy día lo odiaba. Sí, por la primera vez podía confesárselo. Lo odiaba con la misma fuerza con que lo había amado.

            Cuando se descubrió la enfermedad de Bertrand, los mellizos contaban apenas unos días de vida. Con la primera intervención quirúrgica de Bertrand, empezó un largo calvario para los padres y un clima permanente de angustia para todos. Angustia callada, disimulada, inevitable tela de fondo de la vida familiar. “Hay que vivir normalmente”, decía la madre. El padre callaba; constantemente ausente, buscaba sin duda la normalidad en otra parte.

            Para Bertrand, la normalidad había consistido siempre en visitas frecuentes al cardiólogo, en exámenes médicos, en hospitalizaciones, en cuidados de todo tipo, frenos puestos a sus veleidades de correr, de jugar, de gastar fuerzas… Lo que su madre no prohibía, sus malestares, su jadeo, su fatiga se encargaban de hacerlo. En la escuela, las cosas no marchaban mal; sus insuficiencias eran explicables y le valían la indulgencia de sus maestros.

            Los padres habían querido siempre preservar a Pierre de las dificultades de su hermano. Su niñez no veía ningún obstáculo de salud cruzársele en el camino. No asistía a la misma clase que Bertrand, podía así desarrollarse plenamente a su modo. Sin embargo, las cosas no habían sido fáciles para él. Su inseguridad, su temor al fracaso, sus imposibilidades indisponían a los adultos; los más condescendientes se preguntaban si, finalmente, Pierre no sufría él también de alguna insuficiencia congénita como su hermano.

            No era el caso, sin embargo, y en su casa se encargaban de recordárselo. El “tenía suerte”. Se esperaba de Pierre que sacara partido de ello. A falta de hacerlo a su favor, lo hacía a favor de su desventurado hermano, cuidándolo, asistiéndolo, divirtiéndolo cuando se hallaba inmovilizado en el hospital o reposando calmadamente en la casa. Su amor, su abnegación hacia Bertrand despertaban al menos la admiración de los suyos. Pierre, que compensaba así sus propias debilidades, se vanagloriaba en secreto de esos halagos, aún cuando manifestara una actitud modesta ante ellos. En cuanto a Bertrand, no dejaba de mostrarse agradecido. Es verdad que, de pequeño, había sido tiránico, manipulando a todo el mundo –y sobre todo a su hermano- para obtener la satisfacción de sus deseos. Sus padres finalmente corrigieron la situación, después de consultar a una psicóloga, y dejaron de consentirlo como hasta entonces. Bertrand terminó por no aprovecharse tanto de la gentileza de su hermano y se atrevió incluso a competir con él. 

            Al crecer, Pierre y Bertrand pudieron por fin compartir como hermanos algunas actividades. Empezaron a salir juntos, a ir a los mismos lugares, aunque la enfermedad de Bertrand lo llamara dolorosamente al orden. Se fatigaba pronto y debía volver a casa temprano. Pierre, en general, lo acompañaba de vuelta, encontrando finalmente que esto no le venía mal: se decía a sí mismo que estaría en mejores condiciones físicas al día siguiente. Para Pierre, en efecto, las dificultades persistían; le costaba sacar su vida adelante.

            Pero un día, apareció Manon. Manon entró en la vida de Pierre como se cruza una frontera y se cambia de país. Era dos años mayor que él; cursaba el tercer año de Lenguas Modernas, él el primero de Historia. Desde el principio, creyó en él. Manon ocupó en la vida de Pierre el tiempo que hasta entonces había consagrado a Bertrand. Ella era todo para él. Lo acompañaba, lo apoyaba, lo alentaba. Encontró gracias a ella la seguridad y la confianza en sí mismo que nunca había tenido. En una palabra, ella hizo de él un hombre; al menos así lo sentía.

            En casa, ese idilio despertaba una sorda desaprobación por parte de los padres. Se inquietaban de ver así Bertrand súbitamente puesto de lado. En cuanto a éste, ponía buena cara y adoptaba una actitud cordial hacia esa cuñada aparecida bruscamente en su vida. Se le notaba sin embargo cierta tristeza, cierta languidez. Pierre, demasiado feliz o demasiado enamorado, se negó a dejarse invadir por los remordimientos. Multiplicó sus manifestaciones de afecto hacia su hermano, le propuso repetidas veces que salieran los tres juntos, pero dejó de achicarse ante él como lo había hecho siempre hasta entonces. Observó, complacido, que Manon le manifestaba a Bertrand una amistad sin afectación ni compasión excesiva.

            Bertrand, sin embargo, declinó muy pronto las proposiciones de salidas, dando cualquier pretexto para justificar su rechazo. Pierre no le hizo preguntas al respecto, como tampoco se las hizo a sí mismo. Pensaba que ya era hora de vivir su vida independientemente de la de su hermano, así como era hora de que Bertrand hiciera lo mismo con la suya. Saliendo ambos ya de la adolescencia, era inevitable que ahora tomaran caminos divergentes. Manon era la instigadora involuntaria de ello y Pierre la amaba aún más por eso mismo, sintiendo que sin ella nunca hubiera podido emprender esa nueva senda.

            Los meses transcurrieron sin que nada empañara la felicidad de Pierre. Sentía a Bertrand cada vez más esquivo, pero se permitía ahora no poner cuidado en ello. Manon le bastaba. Pierre era feliz.

             Así fue que, con el corazón contento, volvió a casa un día más temprano que de costumbre; sus cursos esa tarde habían sido excepcionalmente suspendidos. Al salir del ascensor, el sonido del saxófono de Stan Getz llegó a sus oídos a través de la puerta del apartamento. Era su instrumento preferido, así como el de Bertrand. Supo entonces que su hermano estaba en casa y se alegró de esa oportunidad de encontrarse solos los dos. La ocasión era en efecto cada vez menos frecuente; no le prestaba mucho cuidado a su mellizo últimamente, aún cuando los problemas de salud de éste persistieran.

            Sonriente, Pierre abrió la puerta de su casa. Entró, y quedó petrificado. Un grito gutural, como el rugido de un animal herido, se escapó luego de su garganta. Semi acostados sobre el canapé de la sala, Bertrand y Manon, estrechamente enlazados, se besaban con pasión… Al oír el grito de Pierre los dos jóvenes se levantaron de un salto. La tez de Manon se tornó rojo fuego; la de Bertrand adquirió una palidez casi azul. “¡Fuera de aquí! ¡Fuera!”, le gritó Pierre a Manon, los ojos exorbitados. Reajustando sus ropas, la joven cogió su bolso de un manotazo y desapareció. Bertrand giró lentamente, haciéndole frente a su hermano. 

           ¡Basta! ¡Basta! ¡Me jodiste la vida! Con esa cara de moribundo… ¡Muérete pues de una vez por todas, en vez de reventar a los demás!” 

            Los dos hermanos permanecieron así un instante cara a cara. Luego Bertrand habló: “Escucha Pierre”, articuló lentamente. “Es así. Es inútil excitarte. Ve las cosas como son. Manon es nuestra; es mía así como es tuya. Como todo lo que hemos tenido, lo que hemos hecho, siempre, juntos. Con Manon es lo mismo. Lo compartimos todo, tú y yo. Ella está de acuerdo. Queríamos decírtelo, no sabíamos cómo”. Y después de un silencio: “Tú y yo estamos ligados, para siempre…”

            Pierre, aterrado, lívido, ya sin ira, pareció deshacerse, desintegrarse. Se dejó caer sobre una silla, hundió la cabeza entre las manos y estalló en sollozos.  

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A
Verdaderamente fantástco es tan creativa su narraxión como<br /> el escriyor de Mariposas Amarillas de ARACATAXA.Espero que<br /> nos siga deleitando con sus palabras.
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